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Nombreuses jeunes filles sont bourrées de talents dans plusieurs domaines, dont celui de la danse, mais peinent à l’exprimer à la face du monde, suite aux préjugés, coutumes rétrogrades et des jugement de certaines personnes sur la femme .

A l’occasion de la célébration de la journée internationale de la fille ce 11 Octobre, Watoto News a approché une étoile montante de la danse dans l’Est de la RDC, la talentueuse danseuse Bukavienne Prisca Kanga.

Elle a dépassé le stade des préjugés qui freine les filles à évoluer dans l’art et se consacre corps et âme à la danse, sa passion. Prisca interpelle la communauté à encourager les jeunes filles disposant du talent à aller de l’avant.

ENTRETIEN

Watoto News: Madame Prisca Bonjour,

Prisca Kanga: Bonjour

WN: Que représente pour vous la dance ?

PK : La danse est une forme d’expression qui est très bénéfique pour la santé physique et mentale de l’être humain. Pour moi elle représente plus un moyen d’expression et de communication. Parce qu’à travers la danse, je transmets différents messages. Pour d’autres c’est aussi un divertissement pour juste s’amuser.

WN: Aujourd’hui c’est la journée de la fille. Comment est sa représentativité dans cette filière artistique ?

PK :C’est malheureusement une faible représentativité en RDC. Les filles sont moins nombreuses que les garçons dans la danse ; et ce n’est pas seulement pour la danse ; même dans le slam ; le théâtre, etc. Mais devant ce constat, nous sommes depuis un temps en train d’y travailler et le nombre des filles et femmes augmentent du jour au jour.

Des débuts émouvants d’une carrière de danseuse professionnelle

WN: Et votre histoire d’amour avec la danse remonte à quelle époque ? Qu’est ce qui vous motive de la faire jusqu’aujourd’hui ?

PK : Je danse depuis que je suis toute petite en famille, lors des fêtes. Mais professionnellement cela fait 7 ans que je pratique la danse. Cet attachement je pense part aussi des problèmes vécus en famille. Les parents séparés, la dure vie et survie, mais quand je dansais je me sentais déchargée de tout cela. Je me sentais libérée et heureuse de voir les autres satisfaits de ma prestation. Vous voyez quand après le spectacle, on t’approche pour te féliciter disant « tu as bien dansé, tu m’as beaucoup inspiré, le message est bien passé ». Ce retour et surtout le retour venant de ma famille face à mon évolution m’a beaucoup aidé et motivé davantage à tenir jusqu’à ce jour.

« Monde artistique n’est pas synonyme de laisser aller ». Il y a de la rigueur et de l’engagement à déployer jour après jour pour se hisser au sommet.

WN: Beaucoup de jeunes filles ont du mal à faire carrière dans la danse à cause des préjugés autour du monde artistique. Quelle est ton opinion sur la question

PK : Elles doivent croire en elle et avancer avec conviction dans ce qu’elles aiment. Bien sûr le jugement dans notre environnement Bukavien ne manque pas sur une fille qui s’investit dans l’art, pire encore quand l’art lui réussit. Mais ce n’est pas une raison pour briser un reve. On s’imagine qu’une femme ne peut pas réussir sa vie honnêtement sans être une fille facile. Ce qui est faux. « Monde artistique n’est pas synonyme de laisser aller ». Il y a de la rigueur et de l’engagement à déployer jour après jour pour se hisser au sommet.

Moi et mon groupe Phoenix, nous nous sommes faits l’exigence de bosser dur, pour être parmi les meilleurs. Nous sommes Phoenix, cet oiseau légendaire qui renait de ses cendres. Donc par rapport à notre société, les défis et préjugés qu’on a trouvé sur la femme dans la danse font partie de cette cendre sur laquelle nous avons fait notre renaissance. Même si on nous porte un quelconque jugement, pour autant que nous savons que c’est non fondé, les oreilles écoutent et on avance. Nous savons pourquoi nous avons choisis la danse et nous savons aussi qu’une carrière demande toute notre concentration. Si on commence à se fier aux dires des gens on ne peut pas avancer. Notre entourage parfois nous décourage en nous invitant « à trouver des vrais boulots ». Moi au lieu de me laisser décourager par des critiques fondées sur les préjugés, j’ai choisi de faire ce que je sais faire, c’est-à-dire la danse ; et continuer à inspirer les gens qui trouvent en moi une source d’inspiration.

« Beaucoup ont du mal à considérer la danse comme un vrai métier. Or c’est un travail qui mérite d’être respecté »

WN: Mis à part des préjugés, à quels autres défis et difficultés font face en général les danseurs et danseuses professionnels au Kivu?

PK : Il n’y a pas assez de chorégraphe par ici, ni des salles de spectacle. Nous avons des créations qui demandent parfois assez de moyen, mais il n’y a pas de financement disponible. Et quand, par moment il y a un fond pour appuyer le secteur culturel en général, les danseurs ne sont pas souvent bénéficiaires. Bref toute la question du niveau de considération de la danse pose un souci.

Même dans la communauté, beaucoup ont du mal à considérer la danse comme un vrai métier. Or c’est un travail qui mérite d’être respecté. Nous sommes invités parfois à sortir hors de Bukavu pour prester ou se perfectionner, mais il se pose un problème de sponsor et de mobilité. Quand il n’y a pas de solution, les danseurs ratent carrément des telles opportunités.

« A toutes les filles, ayez confiance vous même et croyez en votre talent et rêves quel que soit les préjugés autour de vous »

WN : Pour finir, c’est la journée de la fille. Quel est votre message à toutes les filles et particulièrement à celles qui aiment l’art et vous considère comme leur modèle ?

PK : A toutes les filles, je leur demande d’avoir confiance en elle-même et croire en leur talent et rêves quel que soit les préjugés autour d’elles. C’est très important. A toutes celles qui me prennent pour modèle, je vous demande de ne pas abandonner de chérir votre talent. Quand tu es talentueuse il faut exploiter ce talent tout en faisant la part des choses entre éducation, vie courante en famille et dans la communauté, et votre carrière de danseuse.

N’hésitez surtout pas à vous engager dans l’art. Certes la danse n’est pas facile, mais il faut avoir l’esprit d’endurance, apprendre dans l’humilité, savoir travailler en équipe et avoir des objectifs dans ce qu’on fait. La danse est un métier difficile mais il nous offre plusieurs opportunités. C’est grâce à la danse qu’aujourd’hui, que je découvre petit à petit le monde et rencontre des nouvelles personnes auprès des qui j’apprends de nouvelles expériences.

Mon souhait est qu’après cette journée plusieurs autres filles s’engagent à faire la danse comme moi sans se soucier du qu’en dira-t-on.

Entretien réalisé par Pascal Ngabo de Watoto News

Auteur/autrice

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